La canicule d’août 2003 en Europe.
La canicule européenne de 2003est un événement climatique d'ampleur exceptionnelle survenu de juin à août 2003 et qui a été marqué par de nombreux records de température au cours de la première quinzaine du mois d'août. Cette canicule a suivi un printemps exceptionnellement chaud et sec où les températures atteignent à certains endroits déjà 30 °C fin avril. Cette canicule importante associée à une sécheresse record rappelle la vague de chaleur de 1947 et la sécheresse de 1976.
Dans certains pays, comme la France ou le Portugal, les conséquences sur les écosystèmes, la population, et les infrastructures sont importantes et provoquent une crise politique. Dans la plupart des stations météorologiques, le mercure a atteint ou dépassé 40 °C.
Le continent européen est diversement affecté. Les pays du sud sont particulièrement touchés : la France (et plus particulièrement sa moitié-sud) l’Italie (le nord surtout), l'Espagne, la Suisse et le Portugal. À Amareleja, dans l’Alentejo, au sud du Portugal, la température historique record de 47,4 °C1 est atteinte le 1er août.
En France, différentes sources (Inserm, Insee, Ined ) convergent aujourd'hui vers une estimation d'environ 15 000 décès en excès durant les deux premières décades d'août 2003.
Les 11 et 12 aout sont les plus meurtriers. Ceci pourrait être dû à un effet d'accumulation des jours chauds précédents, à des températures nocturnes très élevées ou à l'absence de vent, le manque de ventilation engendrant des pics de taux de dioxyde d’azote qui s'ajoutent à la pollution par l'ozone. Cependant, la relation entre le couple climat-pollution et la mortalité étant encore mal connue, aucune explication définitive n'a pour
l'instant été donnée.
Les chambres mortuaires sont rapidement saturées, la chaleur importante ne permettant pas de conserver les dépouilles dans une pièce non réfrigérée. Un hangar réfrigéré du marché international de Rungis, centre logistique de transport de marchandises agro-alimentaires dans la banlieue parisienne, est mis à disposition afin d'y entreposer temporairement les dépouilles. À la date du 24 aout, en région parisienne, ce sont encore 300 corps non réclamés par les familles qui attendent une inhumation à Rungis et dans des camions frigorifiés à Ivry-sur- Seine.
Le président de la République, Jacques Chirac, dont le silence est critiqué par l'opposition de gauche et d'extrême droite, s'exprime deux semaines après la fin de la crise, à son retour de vacances (au Canada). Il nie la responsabilité de l'exécutif dans la tragédie et souligne le manque de solidarité entre citoyens, déplorant la dégradation du lien social, notamment envers les personnes âgées. Le président annonce notamment une révision des services de prévention et d'alerte, ainsi que des services de secours et d'urgence.
Il y’ a eu 57 victimes parisiennes de la vague de chaleur exceptionnelle de début août dont les dépouilles n'ont pas été réclamées par des proches.
L'ampleur tragique des événements de l'été 2003 pose des interrogations sur la société française qui, en Europe, a la deuxième mortalité la plus importante pour les personnes âgées après l'Italie (record italien de 20 000 morts qui a été caché jusqu'en 2005).
Plusieurs dizaines de décès sont également dus aux incendies de forêt. Ainsi, le 12 aout, au moins 24 morts sont à déplorer.
L'espérance de vie à la naissance en France recule cette année-là de 1,2 mois pour les femmes. C'est le premier recul enregistré depuis le début des Trente Glorieuses. L'espérance de vie des femmes à 70 ans et plus recule de plus de 2 mois (2,4 mois pour l'espérance de vie à 85 ans). L'accroissement de l'espérance de vie à la naissance des hommes en 2003 est positif, mais très faible (1,2 mois). À partir de 70 ans, l'espérance de vie des hommes recule (2 mois à 95 ans).
La mortalité observée sur l'ensemble de l'année 2003 (en incluant l'hiver qui a suivi la canicule) a également été en excès de 15 000 décès par rapport à la mortalité attendue. L'excès de décès pendant la canicule n'a donc été ni compensé par une sous mortalité dans les 4 mois qui ont suivi, ni suivi d'une surmortalité persistante qui aurait pu résulter d'une fragilité accrue de la population. Cependant, l'espérance de vie à la naissance en 2004 connaîtra un rebond exceptionnel (10,6 mois pour les hommes, 11 mois pour les femmes).
Selon un communiqué du 22 mars 2007 de l'Inserm, le nombre de décès du fait de la canicule 2003 s'élève à 19 490 en France et à 20 089 en Italie ; pour l'ensemble de l'Europe, il est de l'ordre de 70 000. Le chiffre de 25 000 morts des conséquences de la canicule est avancé par les syndicats des urgentistes de France.
De plus, la canicule en France en 2003 montre comment les conséquences d'une vague de chaleur résultent de l'imbrication de causes naturelles et de facteurs socio-politiques. Bien que les possibles conséquences sanitaires d'une vague de chaleur soient connues et décrites dans la littérature scientifique avant 2003, peu de mesures préventives étaient prévues et l'impact des épisodes précédents sur la mortalité (par exemple 1976) était resté inaperçu. Jusqu'aux événements de 2003, les vagues de chaleur étaient un risque fortement sous-estimé dans le contexte français, ce qui explique en partie le nombre élevé de victimes.
En Suisse, la température la plus élevée est mesurée à Grono, 41,5 °C le 11 août, établissant un nouveau record national.
Le 24 mai 2005, le directeur de l'Office Fédéral de la santé publique a indiqué que la canicule de 2003 avait fait 975 victimes en Suisse, soit une
surmortalité de 7 % entre juin et août. Cependant, il ne faut pas comparer directement ce chiffre avec celui estimé pour la France car le chiffre de 55 % d'excès de mortalité est pour la période du 1 aout au 20 août. Pour comparer les données entre les deux pays, il faut faire plutôt la comparaison suivante. Si on compare avec la surmortalité en France sur la même période en utilisant l'estimation haute donnée plus haut (20 000 morts) avec une population de 60 144 000 habitants, on obtient un excès d'environ 3,33 morts pour 10 000 habitants. En faisant la même comparaison pour la partie de la Suisse touchée par la canicule (Suisse romande et canton de Bâle essentiellement qui comptent environ 2 320 000 habitants en 2006) et le nombre de décès en excès en Suisse, on obtient 4,2 morts pour 10 000 habitants. Les chiffres sont du même ordre de grandeur dans la Suisse touchée par la canicule et en France. Les villes les plus touchées ont été Bâle, Genève et Lausanne. Sur le moment, les autorités ont sous-estimé l'ampleur de l'hécatombe, parlant alors de 300 victimes. La surmortalité officielle de 7 % entre juin et août ne doit pas être comparée avec le chiffre français de 55 % donné sur la période la plus critique de la canicule.
Une estimation, fondée sur l'analyse de la série mensuelle des décès, corrigée des variations saisonnières et faite par l'Observatoire démographique européen (ODE), estime à 480 décès provoqués par la canicule en août 2003. Cela représenterait une surmortalité de 9,2 %.
Malgré l'absence d'une définition rigoureuse et normalisée de ces phénomènes météorologiques, on sait depuis longtemps que les vagues de chaleur provoquent de terribles hécatombes. Des températures se maintenant à un niveau anormalement élevé peuvent faire des centaines, voire des milliers de victimes. La surmortalité touche principalement les personnes âgées, plutôt de sexe masculin en Amérique du Nord et de sexe féminin en Europe. Les sujets à plus haut risque sont ceux qui vivent seuls, malades ou grabataires, ceux qui prennent à dose excessive des médicaments favorisant la surcharge calorique et/ou les individus de faible niveau socio-économique, habitant des logements mal ventilés et non climatisés. Tous les décès surnuméraires enregistrés durant ces périodes ne sont cependant pas dus à la déshydratation, au coup de chaleur et à l'hyperthermie : la surmortalité est aussi alimentée par les maladies cardiovasculaires, cérébrovasculaires, respiratoires et mentales. Le seuil thermique au-dessus duquel le nombre des décès grimpe en flèche dépend du contexte local ; il est plus élevé dans les régions à climats chauds. Les températures minimales jouent souvent un rôle décisif, en permettant ou non un repos nocturne réparateur. L'humidité atmosphérique intervient également, ce qui a conduit à la mise au point d'indices biométéorologiques visant à évaluer les risques. Par ailleurs, les vagues de chaleur ont un impact sanitaire beaucoup plus marqué dans les centres villes que dans les quartiers périphériques et dans les campagnes. D'une part, les espaces densément bâtis enregistrent des températures plus élevées ; c'est le phénomène bien connu sous le nom d'îlot de chaleur urbain. D'autre part, la pollution atmosphérique est manifestement plus forte dans les grandes agglomérations. La qualité de l'air et la chaleur agissent ainsi de façon synergique sur la mortalité. De toute manière, la situation actuelle n'est qu'un moment dans une longue évolution et, s'il se traduit par un accroissement de l'intensité et de la fréquence des vagues de chaleur, le changement global annoncé a une forte probabilité de majorer les risques de décès dans les grandes agglomérations urbaines.